La maison sans aucune intimité, voilà le nouveau projet gagnant au palmarès des aberrations architecturales!
A qui doit-on ça ? Au cabinet d’architectes tokyoïtes Kochi Architect Studio
Le concept de cette maison appelée « Kame House » : relier toutes les pièces de la maison, et les rendre toutes visibles où que l’on soit.
Après recherches, « Kame » (« Tortue » en japonais) fait référence à Kamé Sennin, l’inventeur d’une technique très puissante qui consiste à concentrer toute l’énergie potentielle du corps sous forme d’une boule d’énergie entre les mains que l’on propulse en une fois vers l’adversaire. Bien le bonjour à tous les fans de « Dragon ball » au passage !
Si les architectes japonais ont employé ce terme « Kame », est-ce parce qu’ils ont voulu recréer cette concentration d’énergie au sein de l’habitat ou parce que, vu d’en haut, l’aspect intérieur rappelle les écailles de la carapace d’une tortue ? Question pour l’heure sans réponse.
Ce qui est sûr, c’est que cette maison va à l’encontre même du bon sens et de la psychologie humaine.
De l’extérieur, elle ressemble à un cube sur deux étages, avec fenêtres et porte. Approche intéressante, car le cube symbolise l’élément Terre, l’ancrage, la réflexion, la concentration.
Mais une fois à l’intérieur, rien ne va plus ! « Insolite » ? Le mot est faible.
La présence des portes dans ce type de configuration apparaît soudain comme une douce hypocrisie, ou tout au moins comme une totale futilité. A ce degré de partage et d’ouverture, à quoi bon limiter l’accès à une pièce ? Le tracé très angulaire des pièces et les arêtes visibles ne renvoient nullement une information de douceur. La symétrie qu’on y trouve donne presque l’impression d’une image vue par le biais d’un kaléidoscope. Seule la présence des meubles permet au regard de trouver un repère dans l’espace.
Mais quel est l’objectif de ce projet ? : «L’ouverture est censée favoriser un modèle de vie commune et connecter visuellement les pièces de l’habitation» répondent les architectes nippons.
Personnellement, pouvoir observer mes hôtes se doucher depuis la chambre d’amis, et inversement, est loin de me ravir.
Pour ceux qui trouvent cela « amusant » ou digne d’intérêt, voici un petit rappel de ce qu’est l’intimité.
Sur un plan psychologique, l’ « intimité » fait partie de nos besoins essentiels. Elle regroupe nos croyances, nos pensées, nos rêves, nos projets. Elle est le fruit d’un parcours initiatique. Elle fait de chaque être humain un être unique. Supprimer l’intimité d’un individu, cela revient à l’amputer de lui-même.
Ce n’est pas un concept propre à un pays en particulier. L’intimité existe dans toutes les cultures car elle est intrinsèquement liée à l’humain.
Dans son ouvrage « Les Territoires de l’intime », Robert Neuburger, thérapeute du couple et de la famille, rappelle à juste titre qu’ « interdire à un individu de disposer de son espace corporel et psychique, d’avoir une vie privée, est la manière la plus rapide de le déshumaniser, de l’assassiner symboliquement. »
C’est d’ailleurs une technique que l’armée emploie pour transformer les jeunes engagés en parfaites machines à tuer.
Rappelons également que la liberté et l’intimité sont les cibles prioritaires de tout régime totalitaire.
Par conséquent, oui, l’intimité est un besoin vital qu’il faut protéger comme le plus fragile des trésors.
En d’autre terme, cette maison est totalement inappropriée pour une vie saine et équilibrée, en couple ou avec des amis. A vouloir rapprocher les individus à l’extrême, ils les détruisent. Même dans le plus heureux des couples, on n’a pas envie de tout savoir sur l’autre, de tout voir, ou de tout partager avec l’autre. D’ailleurs, n’est-il pas salvateur dans un couple d’avoir chacun son jardin secret, sa propre bulle d’oxygène, son univers à soi où se retrouver ?
Même seul, l’individu a besoin parfois de s’isoler dans une pièce, avec un plafond au-dessus de sa tête, pour favoriser la concentration, le recueillement ou le ressourcement.
C’est bien beau de toujours vouloir faire de l’extraordinaire, de l’orignal, de l’insolite. Mais à quoi bon si cela se révèle impactant ? Dans le cas présent, la démarche en elle-même part d’un bon sentiment mais, d’une certaine façon, manque d’intelligence.
Ce projet est encore une fois le reflet d’une réflexion limitée, propre à des créatifs qui font, malheureusement, passer leur art avant le bien-être de l’humain.
@LDublanchy
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